3 avril 2017

Le calme semble revenu au Genève-Servette HC. L’homme qui incarne le club depuis seize ans revient sur les turbulences des semaines passées. Et parle de son rôle de manager général à 100%

 

Il a sans doute coiffé toutes les casquettes, mais il n’allait pas en plus porter le chapeau. A l’heure où le Genève-Servette HC a fait sa révolution interne, Chris McSorley, figure emblématique du club, a paru fragilisé. Hugh Quennec, président et ex-ami, semblait le pousser vers la sortie après seize ans passés aux Vernets. Deux semaines plus tard, alors que Mike Gillis s’impose comme le nouvel homme fort du club et que Hugh Quennec n’évoque plus la «communauté» et le «projet» que de loin, McSorley est toujours là, bien présent, plus solide que la tempête, fort d’un contrat en béton armé qui tient toujours. Il n’est sans doute plus l’entraîneur en chef des Aigles. Mais il en demeure, et à 100% désormais, le manager général, autrement dit le directeur de la chose sportive pour le club de hockey genevois.

 

Le contraste est saisissant. Entre l’homme qui apparaissait préoccupé il y a peu et celui qui se présente serein et souriant en fin de semaine dernière, il ne s’est passé que quelques semaines. C’est donc lui que nous rencontrons. Le manager général de Ge/Servette. Il est un peu en retard: les bouchons sur le retour en direction de Genève. Parce qu’il sillonne déjà la Suisse pour dénicher des opportunités, pour préparer la prochaine saison. Jeudi passé, il était dans la région de Berne, il n’en dira pas plus.

 

«En chemin, je me suis arrêté vers Fribourg pour faire le plein d’essence, s’amuse-t-il. Plusieurs personnes m’ont reconnu et m’ont demandé si je venais pour m’engager avec Gottéron. J’ai dit que non, mais je ne crois pas qu’elles m’ont cru.»

 

La rumeur pouvait tout aussi bien le porter vers Lugano, ou ailleurs, mais Chris McSorley lui tord le cou sans sourciller. «Manager général, c’est le meilleur job du monde, assure-t-il. Alors en plus ici, à Genève…»

 

Chris McSorley, deux semaines après ces bouleversements internes, comment vivez-vous dans votre nouveau costume de manager général?

 

Très bien. C’est un boulot capital que j’exerçais déjà, en plus de la charge d’entraîneur. Le matin, j’étais à la patinoire aux aurores, je préparais l’entraînement. Avec le staff, nous consultions aussi la vidéo pour explorer toutes les pistes. Et puis il y avait l’entraînement proprement dit, avec les joueurs. Avec qui je parlais ensuite, encore. Ce n’est qu’en début d’après-midi que commençait ma deuxième vie, celle de manager général: les discussions avec les agents, les renseignements pris en Suisse ou à l’étranger.

 

Tout va donc changer, puisque vous n’êtes plus l’entraîneur des Aigles…

 

Oui et il faut le voir comme une chance. Pour tout le monde. Je pourrai me concentrer à 100% sur mon nouveau travail, ce n’est pas un luxe tant il y a à faire pour constituer une équipe forte. Le futur entraîneur pourra, lui aussi, se concentrer uniquement sur son équipe, le coaching, les tactiques. Il n’aura pas d’autres contraintes et c’est mieux ainsi, je sais de quoi je parle. Enfin, les joueurs auront pour eux un entraîneur à 100% et un manager général à 100%.

 

Sans doute, mais cela doit vous faire bizarre d’abandonner la bande, l’équipe, vous qui étiez entraîneur depuis seize ans à Genève et depuis vingt-huit ans au total…

 

Disons qu’au mois d’août, quand la reprise sur la glace est prévue, cela va me faire drôle les deux ou trois premiers jours, sans doute. On parle effectivement de vingt-huit ans de coaching, ce qui représente plus de 2000 matches. Mais au final, c’est déjà très clair dans ma tête, la cassure est faite, proprement, sans amertume. Le futur entraîneur pourra compter sur mon engagement total pour lui mettre à disposition la meilleure équipe possible. Je sais bien qu’il y en aura toujours pour avoir des réserves ou des interrogations. Mais nous étendons les capacités du club.

 

Il se dit que le nom du nouvel entraîneur ne devrait tomber qu’à la fin de juin ou au début de juillet: est-ce à dire que les dirigeants de Ge/Servette veulent frapper un grand coup en prenant un entraîneur de NHL (ndlr: les contrats se terminent en juin en Amérique du Nord)?

 

Le nom du futur entraîneur sera annoncé quand ce sera le moment de le faire. Toutes les options sont ouvertes. Mike Gillis et Lorne Henning cherchent l’oiseau rare. Je fais partie du processus de consultation, mais c’est logiquement le comité qui décidera.

 

Et en attendant, vous constituez une équipe sans savoir qui la dirigera ni quels seront les systèmes préférentiels. Compliqué?

 

Non. En fait, cela arrive tout le temps. Finalement, le meilleur moyen pour mettre un entraîneur sous pression, c’est justement de lui laisser le choix des joueurs. Je sais de quoi je parle, là aussi… Non, le nouveau coach aura l’expérience du haut niveau et il arrivera dans un groupe sain, une belle équipe. Et il sera totalement libre de ses choix sportifs.

 

Qui décide des transferts des joueurs et de la signature des contrats: avez-vous les coudées franches en tant que manager général?

 

Oui, la décision finale m’appartient. Mais, comme avant, je prendrai toujours les avis. Par exemple, même si je pouvais le faire, je n’ai jamais engagé un joueur si mon assistant Louis Matte m’opposait un non catégorique. Il en ira de même désormais avec Mike Gillis et Lorne Henning. Je peux avoir le dernier mot mais, si je veux un joueur, que nous disposons du budget et que MM Gillis et Henning sont contre, c’est qu’ils ont des arguments que je vais écouter.

 

Vous évoquez Louis Matte, qui était votre assistant à la bande depuis 2008. Epaulera-t-il aussi le futur entraîneur?

 

Si je n’étais pas là, le club continuerait à vivre. Mais pas sans quelqu’un comme Louis. Je ne sais pas si le coach qui sera nommé viendra avec son assistant ou pas. Mais j’ai déjà dit toute l’importance de Louis pour le club. Et j’en parlerai aussi au futur entraîneur.

 

«Je ne ferai plus les déplacements…»

 

Détendu, Chris McSorley embrasse ses nouvelles prérogatives avec un enthousiasme qui pourrait presque paraître forcé. A-t-il redouté d’être purement et simplement licencié? Pas sûr. En réalité, quelques semaines après l’orage, c’est plutôt Hugh Quennec qui apparaît en état de fragilité. Le président a cédé la place à Mike Gillis, qui pilote de plus en plus le club pour les nouveaux investisseurs.

 

Leur implication définitive est peut-être encore suspendue à l’avancement du dossier de la patinoire mais, en attendant, plusieurs choses changent. Jusque-là, il fallait les signatures de MM Quennec et McSorley pour engager un joueur. Désormais, il se dit que si celle de Chris McSorley est toujours requise, c’est maintenant le paraphe de Mike Gillis qui doit l’accompagner.

 

«Mike Gillis, comme Lorne Henning, connaît le hockey, nous pourrons confronter nos idées pour le bien du club», promet McSorley. Un discours apaisé. Comme McSorley assure l’être. Prêt à passer le témoin à son successeur à la bande. «C’est exactement ça: ce sera à lui de donner ses impulsions, d’apporter son identité. Je ne ferai plus les déplacements avec l’équipe. J’aurai plus de temps pour le reste.»

 

Du temps pour enfin apprendre sérieusement le français? «En fait, le meilleur moyen d’apprendre une langue étrangère, c’est d’être avec une bonne amie qui la parle, rigole McSorley. Mais je suis marié et je suis sûr et certain que ma femme ne voit pas les choses de cette manière…»