28 avril 2018

Le nouveau directeur général connaît la maison. Il dit pourquoi il est de retour, ce qu’il a trouvé et évoque la stratégie à venir

 

Il faut d’abord imaginer Christophe Stucki l’œil noir, il y a quelques mois seulement. Quand Genève-Servette était au seuil de rupture, au pire de son enlisement, l’homme en retrait depuis 2016 mesurait sans doute mieux que d’autres le désastre. Ces années passées à la direction depuis 2011, à construire un modèle viable, tout n’était plus que naufrage. C’est cet homme-là que l’on retrouve aujourd’hui, le regard brillant cette fois, heureux de reprendre ses fonctions de directeur général, après le sauvetage in extremis par la Fondation 1890.

 

Au lendemain de la tourmente, il met déjà les bouchées doubles. Le champ sportif, c’est Chris McSorley, entraîneur-manager, qui est d’ailleurs actuellement de l’autre côté de l’Atlantique pour rattraper le temps perdu. La gestion du club, du budget, son fonctionnement au quotidien en collaboration avec le technicien ontarien, c’est le domaine de Christophe Stucki. Le duo du passé, qui fonctionnait bien, est reconstitué.

 

Pas d’hésitation

 

C’est lors d’un déplacement en car organisé par un ex-partenaire du GSHC que le retour du dirigeant s’est formalisé.

 

«On montait à Berne, pour l’acte I de la série, raconte le nouvel/ancien directeur. Didier Fischer (Ndlr: président de la Fondation 1890) était aussi dans le car, il m’a approché. On se connaissait déjà. Il m’a demandé si j’avais cinq minutes à lui accorder. En fait, nous avons parlé durant tout le trajet. Et à la fin, il m’a dit: «Tu rentres à la maison.» Les parties plus formelles se sont finalisées ensuite. Moi, j’étais libre, je venais de terminer un mandat dans une banque privée, tout s’est fait naturellement. Le timing était «rolexien». Je n’ai pas hésité.»

 

Le retour au bercail

 

Revenir, c’est retrouver des sensations, des collaborateurs. Mais c’est aussi repartir de zéro, surtout après les tempêtes traversées cette saison par Genève-Servette. Qu’a vu le directeur général en poussant la porte de ses anciens bureaux?

 

«D’abord, j’ai retrouvé une famille, lance-t-il. Des gens que j’avais pour la plupart engagés, à l’époque. La première journée a été consacrée aux retrouvailles. Mais dès le lendemain, il était question de faire un état des lieux, même si la situation du club avait été auditée par un cabinet privé. Ce que j’ai vu? Des personnes très compétents qui étaient dans un marasme incroyable. Ce que je pouvais comprendre. Quand tu es à trente secondes d’un tsunami, qu’il te fait face, tu t’agrippes à la table. En réalité, Genève-Servette était une entreprise qui avait cessé de fonctionner.»

 

Relancer la machine

 

Christophe Stucki est justement là pour relancer la machine. Il est entré en fonction officiellement le 9 avril. Depuis, il travaille d’arrache-pied pour remettre le club sur les bons rails.

 

«J’ai une bonne idée de ce que je veux faire pour relancer le club, assure-t-il. Mais il ne faut pas le cacher: nous allons au-devant d’une année de transition. À la fois sportivement, où nous avons pris du retard sur les transferts, mais aussi sur le plan de l’activité même du club, avec une érosion des sources de revenus qui s’est installée consécutivement aux problèmes rencontrés. Rétablir l’ordre, la confiance des partenaires, reconquérir le cœur des spectateurs, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra une saison et beaucoup d’énergie.»

 

Pas de grenade dégoupillée

 

La relation entre le nouveau conseil d’administration de la SA du Genève-Servette HC et la Fondation 1890, qui détient les actions depuis le sauvetage, est claire: l’objectif fixé conjointement est de retrouver les chiffres noirs, en s’appuyant sur l’académie et la formation de nouveaux talents genevois.

 

«Je n’ai pas découvert de mauvaise surprise dans les comptes ni de grenade dégoupillée, précise Stucki. Le club doit être totalement assaini au 30 avril. Mais il y a des engagements qui ont été pris et auxquels nous devons, avec le conseil d’administration, faire face. La Fondation 1890 a aidé à ce nettoyage de printemps en épurant les finances (Ndlr: un trou de 7 millions avait été creusé) et en garantissant un déficit de budget sur la saison à venir. Au-delà, le GSHC doit retrouver son «business model» d’avant. Il doit être capable de vivre de ses propres revenus. C’était le cas entre 2012 et 2016. Cela dépend toujours du parcours en play-off, mais nous avons pu générer par le passé des bénéfices qui avoisinaient le 1,5 million, voire plus en certaines occasions.»

 

Un patron de retour à la bande, un autre en coulisses: Genève-Servette veut repartir du bon pied. Sans avoir de blanc-seing de la part de la Fondation 1890 et sa bienfaitrice, la Fondation Hans Wilsdorf, mais avec le sérieux d’un soutien qui évitera le pire en demandant le meilleur. Tout un programme pour Chris McSorley et Christophe Stucki.

 

Et la nouvelle patinoire?

 

Christophe Stucki a d’emblée rappelé les priorités: commencer par redonner de l’oxygène au Genève-Servette HC, sécuriser la situation, relancer le club. Logique.

 

Mais le dossier de la nouvelle patinoire du Trèfle-Blanc demeure étroitement lié aux Aigles. «L’avenir du club ne peut s’envisager sans une nouvelle patinoire, martèle le directeur général. Nous serons peut-être les derniers de la ligue à jouir d’une nouvelle enceinte, mais c’est une nécessité.»

 

Tout cela renvoie au projet du Trèfle-Blanc, donc, porté par les ex-dirigeants du GSHC. On parle principalement de Peter Gall, mais sans doute de Mike Gillis, voire encore de Hugh Quennec.

 

«Les contacts sont bons, lance Christophe Stucki. Le passé est le passé, il y a une volonté d’aller de l’avant, les représentants des investisseurs ont bien compris qu’une patinoire sans la présence pérenne de son locataire, Genève-Servette, cela n’aurait pas de sens.» Ici, les intérêts des uns ne sont pas les mêmes que ceux des autres. La société de développement TBRE Trifolium Capital SA de la nouvelle enceinte (le fameux projet de plus de 300 millions à fonds privés et avec un volet immobilier pour générer des revenus) devrait verser un certain montant, annuellement, au club pour l’entretien et l’amortissement du complexe, voire plus. C’est là que les intérêts divergent.

 

«Les échanges n’ont pas encore commencé, dit Stucki. Mais nous avons envoyé des demandes de clarification quant au projet. Le temps presse, mais il y a une volonté de toutes les parties d’aller de l’avant.» On peut le comprendre. Entre une enceinte neuve de 10 000 places pour le hockey, fonctionnelle, et les Vernets, il y a une grande différence, qui se chiffre: cela représente un revenu augmenté de 25% pour le GSHC selon les prévisions.